Federico Lifschitz, doctorant à l’EHESS et lauréat ARD 2020 (MUFRAMEX/IdA)
22 août 2022
La MUFRAMEX a attribué un financement à l’Institut des Amériques (IdA) pour financer des terrains de doctorants sur le Mexique. Dans le cadre de leur Aide à la recherche doctorale (ARD) 2020, les deux organismes ont conjointement sélectionné Federico Lifschitz, doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), dont la thèse porte sur : « Le rôle ambigu des célébrations religieuses dans l’économie d’une communauté purépecha au XXIe siècle : monétisation, uachantan et structures de parenté ».
Nous avons échangé avec Federico Lifschitz à propos de son sujet de thèse et du terrain de recherche qu’il mène actuellement au Mexique, au sein d’une communauté indigène du Michoacán.
- Quel est votre sujet de recherche ?
Depuis 2017, j’étudie le développement des fêtes coutumières au sein de San Francisco Cherán, une communauté indigène dans le Michoacán. Je m’intéresse plus particulièrement au rôle joué par les femmes. Dans l’anthropologie méso américaniste, on évoque très souvent les fêtes comme le cœur de la vie communautaire mais, du fait qu’elles ont lieu dans l’espace public, on considère que les femmes y sont secondaires. Au cours du terrain de recherche que j’ai mené, j’ai réalisé que les femmes investissent l’espace public tout en suivant des règles traditionnelles communautaires et qu’elles sont actives dans ces développements festifs, qui impliquent aussi le développement d’une économie alternative à l’économie de marché.
- D’où vous est venue l’idée de travailler sur ce sujet ?
J’avais vécu au Mexique après avoir suivi mes études en Italie. Je résidais dans une autre région du pays et avais entendu parler de ce qu’il s’était passé à Cherán, qui était connu non pas pour ses fêtes mais pour avoir lutté contre les narcotrafiquants et les avoir chassés, ainsi que les partis politiques, en 2011. Cette lutte, initiée par des femmes, avait duré une année, et s’était organisée d’une façon assez particulière, en utilisant des techniques d’organisation festive afin d’occuper les rues. Je suis donc arrivé ici dans l’optique de mieux comprendre la politique dans sa forme formelle. Toutefois, à mon arrivée, j’ai réalisé qu’une partie importante de la population ne s’intéressait pas nécessairement aux assemblées politiques, mais s’investissait davantage dans des réseaux d’échanges et d’alliances au sein desquels les femmes étaient beaucoup plus présentes. J’ai également commencé à m’intéresser aux fêtes car elles sont un vecteur important de socialisation. Mais, initialement, mon intérêt portait principalement sur l’étude de la politique locale.
- En quoi consiste votre terrain de recherche ?
Mon terrain de recherche consiste essentiellement à réaliser des observations participantes. Je me suis tissé un réseau de connaissances, voire même d’amitiés, qui m’invitent aux fêtes. Je me rapproche également de certaines personnes lorsque je sais qu’elles vont organiser des célébrations ou qu’elles ont été élues comme autorité festive pour le mois et, à ce moment-là, je conduis des entretiens plus formels. Cependant, je cherche toujours à collecter des données qui vont au-delà des entretiens formels. Une fois, on m’a même demandé d’organiser une fête. J’habite également au sein d’une famille qui fait partie de cette communauté.
Pour me rapprocher des participants de mon étude, je me suis d’abord présenté aux autorités de la communauté, qui m’ont donné leur accord pour que je conduise des recherches au sein de celle-ci et qui m’ont orienté vers la famille qui m’héberge actuellement. En parallèle, j’ai commencé à fréquenter le Conseil des jeunes, ce qui m’a permis de tisser des liens d’amitié non seulement avec les membres de celui-ci mais aussi avec leurs familles.
- Cette expérience vous a-t-elle enrichie et, si oui, de quelle manière ?
Cette expérience m’a permis de cohabiter avec des personnes qui ont une façon de penser et un vécu complètement différent du mien, donc cela a permis d’élargir mes horizons sur d’autres types d’humanités, en général. Cela a également été enrichissant du point de vue des relations humaines et des contacts que j’ai noués.
Entretien réalisé par Morgane Uzenat le 19 juillet 2022